Photo by Erda Estremera

Y’a pas que les gens qu’on peut mettre dans des cases

Charlotte Duval

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Business Model Canvas, Lean Canvas, …, des outils au service des entreprises et des entrepreneur·e·s

Vous en avez peut-être entendu parler à droite et à gauche si vous vous intéressez à l’entrepreneuriat ou au développement de projets d’innovation, il y a des outils que l’on mentionne souvent, les « canvas » : Business Model Canvas, Lean Canvas, Social Business Model Canvas, …

Dans cet article je vous propose de nous intéresser au Business Model Canvas et au Lean Canvas et de voir dans quels cas l’on va utiliser l’un plutôt que l’autre et inversement.

Bon déjà, c’est quoi un « canvas » ?

Au début quand j’entendais parler de canvas, je pensais à ce genre de trucs un peu kitch :)

Etymologiquement parlant, ce n’est pas dans la langue anglaise qu’il faut chercher la signification du mot canvas mais des langues latines, et notamment de l’ancien français chanevas qui voulait dire « grosse toile ». En français d’aujourd’hui, un canevas est une broderie ou une tapisserie, mais peut aussi désigner un projet ou une ébauche d’un ouvrage (en musique, en littérature, …). La traduction en anglais a également ces mêmes significations, en plus de désigner un tableau.

Ainsi, dans le domaine qui nous intéresse, on peut dire que le canvas désigne un outil, sous la forme d’un tableau avec des cases particulières, qui permet de représenter soit une ébauche d’entreprise, soit la façon dont une organisation « tisse » différents éléments entre eux pour mener à bien un projet, ou délivrer quelque chose.

Le Business Model Canvas

Proposé par Alex Osterwalder et Yves Pigneur dans leur livre « Business Model : New Generation » sorti en 2010, le Business Model Canvas permet de représenter visuellement le modèle d’affaires d’une organisation, ou en d’autres mots la façon dont elle créé, délivre et capture de la valeur.

Le Business Model Canvas est un outil composé de 9 cases :

Le Business Model Canvas
  1. La proposition de valeur, ce que l’organisation propose à ses client·e·s, sa promesse, et possiblement sa description en termes de produits et services
  2. Les segments de clientèle, à qui l’organisation s’adresse,
  3. Les canaux de distribution, la façon dont l’organisation atteint sa clientèle, la ou les façons dont ses client·e·s peuvent prendre connaissance de son offre de produits et services,
  4. La relation clientèle, les moyens mis en place pour garder le lien avec les client·e·s une fois qu’il·elle·s ont acheté une première fois, et leur donner envie de recommencer,
  5. Les flux de revenus, la ou les façons dont l’organisation génère des rentrées d’argent (de la part des client·e·s ou d’autres organisations),
  6. Les activités clés, ce que concrètement l’organisation doit faire pour fournir sa proposition de valeur,
  7. Les ressources clés, la traduction en ressources (financières, matérielles, humaines, …) des activités nécessaires,
  8. Les partenaires clés, les organisations sur lesquelles s’appuyer pour réaliser des activités ou obtenir des ressources essentielles à la fourniture de la proposition de valeur,
  9. Et la structure des coûts, tout ce que l’organisation doit payer pour permettre la production de ses produits et services.

Ces 9 cases permettent de représenter les 4 dimensions d’un modèle d’affaire : l’offre, l’interface client, l’infrastructure, et la viabilité financière.

Les 4 dimensions du Business Model Canvas — Réalisation : Charlotte Duval, LMT
Exemple avec le BMC de l’entreprise fictive Mon Beau Vélo — Réalisation : Charlotte Duval, LMT

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Ainsi, le BMC est un outil utile pour :

  • Représenter visuellement la façon dont une entreprise fonctionne, et donc en faciliter la présentation (que l’on montre l’outil ou qu’on le visualise mentalement pour ne rien oublier),
  • Confronter les visions au sein d’une équipe en le remplissant en mode collaboratif, et donc partager un langage commun sur l’entreprise,
  • Imaginer les futurs possibles, si telle ressource venait à manquer ou tel besoin client venait à évoluer, en regardant les impacts que ce changement aurait sur les différentes cases du BMC, et donc générer des idées.

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Pour aller + loin : j’ai détaillé des outils pour analyser stratégiquement un modèle d’affaires dans le webinaire « Le Business Model Canvas, un outil pour (ré)inventer votre entreprise » dont le replay est disponible ici.

Le Lean Canvas

Composé également de 9 cases, le Lean Canvas est la traduction en un outil de l’état d’esprit du « Lean Startup » proposé par Eric Ries en 2008 après plusieurs expériences au sein de startups dans la Silicon Valley.

La méthode Lean (de l’anglais « maigre » ou « sans gras ») promeut l’expérimentation, la confrontation rapide au client, en utilisant les (maigres) ressources à disposition de manière optimale, soit pour valider un problème ou besoin, soit pour valider une manière de créer de la valeur (et donc les produits ou services à proposer), soit pour valider une manière de capter de la valeur (de générer des revenus). Cette méthode itérative, par petits pas, permet de concevoir une proposition de valeur et un modèle d’affaires qui répond à un besoin ou un usage, et qui, comme validé directement par le·a client·e, sera adoptée rapidement par le marché.

Cette méthode peut être résumée en une boucle d’expérimentation composée de 3 étapes : 1. Construire une expérimentation pour valider une hypothèse, 2. Mesurer les résultats de l’expérimentation, et 3. Apprendre de cette expérimentation et faire de nouvelles hypothèses, pour recommencer à construire une expérimentation, etc.

Utilisée au lancement d’un nouveau projet (nouvelle entreprise ou nouveau projet d’une entreprise), cette méthode permet ainsi d’en accélérer le lancement commercial en optimisant les investissements à réaliser (en validant petit à petit les hypothèses faites et en dépensant peu à chaque expérimentation, ou du moins en tâchant de faire le plus d’apprentissages possibles de chaque expérimentation).

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L’outil du « Lean Canvas » a été présenté par Ash Maurya dans « Running Lean » en 2010, une adaptation du « Business Model Canvas » pour répondre aux besoins de la pensée Lean :

Le Lean Canvas
  1. Le problème, le besoin, pourquoi c’est un problème et d’où il vient (et éventuellement les alternatives ou solutions détournées qui permettent déjà de répondre à tout ou partie du problème),
  2. Les client·e·s, qui rencontre ce besoin ou ce problème ? (et éventuellement, est-ce qu’il y a des gens que je connais qui sont dans cette cible ?),
  3. La proposition de valeur, la promesse que l’on fait à nos client·e·s, ce qu’on souhaite leur apporter,
  4. La solution, les produits et services que l’on imagine mettre en place pour tenir la promesse que l’on fait à nos client·e·s, dans une boucle d’expérimentation on décrira ici l’expérimentation que l’on mettra en place pour valider les hypothèses que l’on aura faites,
  5. Les canaux de distribution (idem au BMC),
  6. L’ « unfair advantage », ou l’avantage injuste en français, ce qui nous différencie de la concurrence et ce qui fait qu’il est difficile de nous copier (expertise particulière, partenariats, exclusivités, …),
  7. La structure des coûts (idem au BMC),
  8. Les flux de revenus (idem au BMC),
  9. Les indicateurs clés à mesurer pendant la boucle d’expérimentation, et les objectifs que l’on se fixe à court terme pour définir si oui ou non notre hypothèse est validée.

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Le Lean Canvas se remplit donc à chaque expérimentation, pour identifier les hypothèses que l’on fait (sur le besoin, sur la valeur à créer ou sur la façon de générer des revenus), et donc les « choses » à mesurer pour valider ou non ces hypothèses (nombre d’adresses email recueillies sur une landing page, pourcentage des personnes interviewées ayant un besoin en particulier, …). Une fois l’expérimentation menée et analysée, on revient sur ce Lean Canvas pour formaliser les apprentissages que l’on a fait, et donc définir les nouvelles hypothèses à valider avant de repartir sur une nouvelle expérimentation, etc.

Un exemple d’un des Lean Canvas qu’aurait pu compléter Mon Beau Vélo pour l’étude d’un service de personnalisation d’équipements et accessoires — Réalisation : Charlotte Duval, LMT

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Pour aller + loin : j’ai détaillé l’état d’esprit et les outils du Lean Startup dans le webinaire « Lean Startup : une méthode d’innovation continue à la portée de toutes les entreprises » dont le replay est disponible ici.

Chacun·e son usage, chacun·e son canvas

Ainsi ces deux outils s’utilisent à des moments différents de la vie d’une entreprise ou d’un projet d’entreprise.

Le Lean Canvas s’utilise au lancement d’un nouveau projet (que ce soit un projet d’une nouvelle entreprise, ou un projet au sein d’une entreprise existante), avant d’en dessiner le Business Model Canvas lorsque toutes les hypothèses sont validées et que l’on veut définir comment l’entreprise doit s’organiser pour fournir sa proposition de valeur.

Le Business Model Canvas peut s’utiliser à des fins de présentation d’une entreprise ou d’une proposition de valeur, à des fins de cohésion au sein d’une équipe, ou encore à des fins de réflexions et de génération de nouvelles idées de modèles d’affaires à mettre en place.

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Mais ces canvas ne sont que des cases dessinées sur une feuille de papier, il est tout à fait possible de les adapter à ses besoins (comme l’a fait Ash Maurya avec le BMC pour créer le Lean Canvas). C’est d’ailleurs ce qui a été fait pour dessiner l’Event Canvas, outil dédié à repenser la stratégie d’un événement, ou encore le Social Business Model Canvas pour les projets d’entreprises sociales et solidaires.

Mais sans forcément créer un modèle « standard » pour un secteur d’activités en particulier, il est tout à fait possible d’être « arrangeant·e » avec les cases, par exemple parler d’usagers plutôt que de client·e·s si vous travaillez sur un secteur public, ou « oublier » une case si elle n’est pas pertinente ou pas utile pour ce que vous êtes en train de travailler. Par exemple, lorsque je fais remplir le BMC aux entreprises que j’accompagne, souvent lorsque je demande quelles sont leurs propositions de valeurs, les entreprises me répondent en termes de produits et services et non de « promesse » : plutôt que de leur répondre « non, vous ne répondez pas à ma question », je m’autorise à scinder la case en 2, avec en bas la description des solutions (produits et services) et je repose la question avec d’autres mots pour pouvoir écrire en haut la proposition de valeur.

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Comme toujours ces outils sont à prendre pour ce qu’ils sont : des outils !

Ils ne sont donc pas une fin en soi mais un moyen pour arriver à vos fins. A vous de les tester, de les utiliser, de vous les approprier, de les bidouiller, de les éprouver, …, pour identifier ce à quoi ils peuvent vous servir (ou pas) à vous.

Alors, avez-vous déjà utilisé ces canvas ? Et surtout … à quelles fins ?

Des réactions ? Des questions ? Des remarques ?

N’hésitez pas à me les partager en commentaires !

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Cet article vous a plu ? N’hésitez pas à me suivre pour être notifié·e de mon prochain article.

▶ Ou (re)découvrez mon précédent article : Et si votre offre se vendait toute seule ?

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Charlotte Duval

Chargée d’accompagnement des entreprises chez @LMTinnovation. Stories about #innovation, #accompagnement #entreprise, #créativité et autres