On a créativé pendant 2 jours, on a survécu
Un peu avant l’été, GRUAU nous a mis au défi d’animer une séance de créativité, pendant 2 jours, avec des collaborateurs GRUAU mais aussi des collaborateur·trice·s d’un de ses clients, soit une douzaine de personnes, sur un problème à la fois technique, lié au fonctionnement d’un système physique présent dans un véhicule utilitaire, et à la fois lié à l’usage de ce même système.
« Challenge accepted » !
#1 Rassembler les savoirs
Une première réunion de lancement avec GRUAU et son client plus tard, nous voilà plus au fait du problème technique rencontré, du contexte qui amène à s’y (re)pencher, et surtout du fait que ce problème est un problème depuis longtemps et que les protagonistes ne sont pas vierges sur le sujet. Double challenge donc, il ne suffit pas de trouver une solution, mais de trouver une autre solution que celles déjà imaginées, testées, mises de côté. Il s’agit d’amener les gens à penser différemment qu’ils ne l’ont fait depuis plusieurs années d’investigations et de réflexions.
Avec l’aide de la LMTeam (les collègues LMT), nous avons réalisé une veille sur le sujet, pour que l’on ait nous ayons nous aussi un aperçu de ce qui existe, de ce qui n’est pas possible, …, et surtout pour savoir comment faire sortir du cadre pour ne pas s’enfermer dans le « connu », et surtout le « connu comme ne fonctionnant pas ». Nous avons cherché des sources d’inspiration, des images, des photos, des brevets, …, mais aussi des méthodes et pistes de solutions pour être en capacité d’accompagner au mieux le groupe de créativité.
Ça, c’est que nous avons fait chez LMT.
Les équipes de GRUAU ont également fait leur part du travail, et une belle part du travail : 5 membres de l’équipe ont observé les usagers concernés par le problème ! Ils ont chacun eu l’occasion de vivre la journée d’une personne qui utilise au quotidien le système physique étudié, qui est concernée par la problématique, pour l’observer , pour vivre même à certains moments le problème, …, et ainsi développer une connaissance fine du problème dans la vraie vie.
Cette expérience d’immersion, ce « Vis ma vie », fait partie de la démarche « G’Innov » proposée par GRUAU à ses clients. Il s’agit d’une démarche volontaire et participative fondée sur l’intelligence collective et l’approche centrée usager pour répondre à des demandes et attentes client précises.
Cette démarche vous semble bizarre ? Pourquoi et comment aller « embêter » des gens pour les observer et leur poser des questions ? Je vous propose des éléments de réponse dans cet article : “Non, les gens ne mordent pas”.
À la fin de cette phase de rassemblement, nous pouvions donc partager :
- Les savoirs du client, et les raisons qui l’amènent à réfléchir sur le sujet,
- Les connaissances techniques de GRUAU qui avait déjà réalisé un état de l’art et testé des solutions,
- Les données d’observation récoltées par GRUAU auprès d’usagers, regroupées dans un cahier d’une trentaine de pages (photos, notes et verbatims),
- Des sources d’inspiration dans des secteurs similaires, connexes, ou à l’opposé de celui du client (photos, brevets, articles, …).
#2 Construire la séance
Avec l’aide de mes collègues, j’ai sorti ma « panoplie » d’animatrice-facilitatrice pour imaginer des jeux créatifs, des exercices, …, afin de guider petit à petit le groupe dans la phase d’idéation, pour faire appel à différents leviers, amener les gens à penser le problème différemment ou sous un autre angle, …, pour si ce n’est trouver LA solution, au moins trouver des pistes à suivre pour arriver à une solution pertinente.
Plusieurs principes ont guidé la conception de cet atelier :
- Amener progressivement les participant·e·s à générer des idées différentes et de plus en plus élaborées,
- Maintenir l’énergie et l’attention du groupe en ne proposant pas trop longtemps la même activité, en variant les exercices (entre fun et moins fun, entre manuel et intellectuel, entre dedans et dehors, entre moments de pause et moments intenses, …),
- Faire en sorte que chaque type de personnalité puisse trouver sa place à un moment pour s’exprimer (les introverti·e·s, les créatifs·ves, les « sachant », les manuel·le·s, …),
- Visualiser les progrès du groupe pour favoriser le sentiment que l’on avance et éviter de possibles découragements (qui généralement ne sont pas un problème sur une séance de 4h, mais qui peuvent pointer le bout de leur nez sur une durée de 2 jours).
Ces principes je les utilise pour la conception de tous mes ateliers de créativité, mais pour une telle durée (grosso modo 2 fois 8h), c’était la première fois et la tâche était d’autant plus ardue.
4 temps majeurs constituaient le déroulement de cette phase créative :
- Les retours de l’observation et la parole aux usagers (2 participaient à la démarche) — environ 2h,
- La définition du « challenge créatif », la question qu’on allait se poser précisément pendant le reste des 2 jours, moment critique du marathon créatif — environ 1h-1h30,
- L’idéation (ouverture puis sélection et enrichissement, les classiques phases de divergence et convergence, comme expliquées dans cet article, paragraphe #1) — environ 6h,
- Le maquettage, pour « entrer dans le dur », pour vérifier/imaginer tout de suite la faisabilité d’idées sorties de l’idéation — environ 2h-2h30.
#3 Échantillons, quelques exercices et activités proposées
Icebreaker — La Tour la plus haute
Lundi matin, 8h30. 12 personnes qui ne se connaissent pas toutes, qui ne viennent pas des mêmes entreprises, qui n’ont pas les mêmes compétences, …, et qui vont devoir se côtoyer pendant 2 jours complets = besoin de briser la glace !
Nous avons formé 2 équipes mixtes (composées de personnes de chez GRUAU, de son client, d’utilisateurs finaux, et de LMT), puis leur avons à chacune donné une même quantité de temps (10 minutes), une même quantité de matériel (une table, une feuille de papier, 1m de ruban adhésif et une pochette de 16 feutres) et une même consigne : « en partant de la table et à l’aide du matériel à votre disposition, construisez la tour la plus haute. Il faudra qu’elle tienne au moins 15 secondes seule ».
Nous avons eu besoin d’autres icebreakers pendant ces deux jours, notamment L’histoire de Marcel·le et le Construis-moi un canard dont je vous livrais la recette dans l’article “Comment briser la glace ?”.
Idéation — Et si …
En plus de mon habituelle technique des « scénarios catastrophe » (décrite dans l’article “Faut-il vraiment répondre à un besoin ?”), il nous a fallu en proposer d’autres pour ne pas lasser et amener à penser différemment, à attaquer le sujet sur plusieurs flancs pour générer le plus d’idées différentes possibles.
Je me suis notamment plongée dans la Théorie TRIZ (Théorie de Résolution de Problèmes Inventifs), destinée à résoudre des problèmes d’innovation, principalement techniques. Cette théorie propose d’abord de traduire un problème spécifique en un problème générique qui soit indépendant du domaine physique du problème, puis d’identifier les principes de résolution du problème générique (principes obtenus après l’analyse de plus de 40000 brevets), pour enfin traduire les solutions génériques en concepts de solutions pour résoudre le problème spécifique.
Mode opératoire :
- 1ère étape : définir les paramètres techniques que l’on souhaite améliorer (parmi une liste de 39), dans notre cas, il s’agissait d’améliorer la commodité d’utilisation du système (paramètre n°33),
- 2ème étape : définir les paramètres techniques qui risquent d’être dégradés par l’amélioration des paramètres techniques précédents (parmi la même liste de 39), dans notre cas, pour des raisons de sécurité, il ne fallait pas dégrader la fiabilité du système (paramètre n°37),
- 3ème étape : identifier dans la « matrice TRIZ » les principes de résolutions à appliquer (parmi une liste de 40), dans notre cas, ligne 33 et colonne 37 de la matrice, on trouve notamment le principe n°14 : changement de dimension.
Des différents principes identifiés comme sources de résolution potentielles de notre problème, j’ai rédigé des questions au format « Et si … ? » puis les ai soumises au groupe de créativité, et notamment la question : « Et si nous changions de dimension ? Et si nous ajoutions une dimension (une ligne plutôt qu’un plan, espace plutôt que plan, …) ? Et si nous positionnions différemment l’objet ? ».
Idéation — L’IdeaMaker
L’IdeaMaker est un jeu de cartes qui a pour objectif d’aider un collectif à avoir de nouvelles idées lors de sessions de 45 à 60 minutes. Il s’agit de piocher au hasard 2 à 3 cartes, et de faire écrire aux participant·e·s le plus d’idées possibles qui répondent au challenge créatif ET qui font appel à au moins deux cartes parmi les cartes piochées.
Je sens que vous avez envie de tester ! :) => Vous avez 2 minutes pour imaginer le plus d’idées possibles permettant de répondre au challenge « Comment pourrions-nous nous appuyer sur les ressources de notre entreprise pour apporter une nouvelle source de valeur ajoutée à notre clientèle ? », chaque idée devant faire appel à au moins 2 cartes parmi les suivantes :
Top c’est parti ! … N’hésitez pas à partager vos idées en commentaires ;)
Idéation — Créative avec tes mains
Parce qu’il y a des gens qui sont plus manuels qu’intellectuels, parce qu’il y a des gens qui ont besoin de voir pour imaginer, et surtout parce qu’en faisant, en touchant, en manipulant, on ne suit pas les mêmes chemins de pensée qu’en réfléchissant assis sur une chaise, nous avons proposé à notre groupe une activité d’idéation manuelle. Nous avons fourni 2 véhicules à 2 équipes avec du matériel pour un bricolage rapide de solutions à base de ruban adhésif, ficelle, fil de fer et autres cartons.
L’objectif ? Permettre au groupe de s’aérer, d’adopter un chemin de pensée différent, et de sortir des idées différentes de celles déjà générées « sur le papier ».
Évaluation — La matrice Effort/Impact
Après les différents exercices d’idéation, après la phase de convergence vers une dizaine de concepts de solution, le moment du maquettage était venu. Le groupe ni le temps n’étant extensibles, il a fallu choisir quelles idées maquetter. Mais … comment choisir ?
Nous avons utilisé la matrice « Effort / Impact » pour cela.
Pour chaque concept issu de la phase de créativité (après divergence et convergence), poser d’abord la question « Est-ce que cette idée a peu ou beaucoup d’impact positif pour l’entreprise ? ». Cet impact positif peut être un gain en euros, en temps, en motivation, en partenariats, … Attention ! Il s’agit d’une question binaire : c’est peu ou c’est beaucoup, mais ce n’est pas entre les deux (croyez-en mon expérience, si on laisse nuancer, toutes les idées se retrouveront au centre de la matrice et l’exercice n’aura servi à rien :) )
Une fois l’idée positionnée « en haut » ou « en bas » dans la matrice, se pose la seconde question « Est-ce que cette idée demande peu ou beaucoup d’effort pour être mise en place ? ». Cet effort peut se traduire par du temps, des besoins financiers, des réglementations à respecter, des partenaires à convaincre, …
Lorsque les idées ou le temps qui était alloué à cet exercice est épuisé, vous pouvez prioriser les idées comme suit :
- En 1. : il ne faut pas hésiter une seconde et lancer la mise en place de ces idées tout de suite !
- En 2. : ce sont des idées qui ont beaucoup d’intérêt mais qui demanderont du temps à la mise en place, il faut donc commencer à préparer leur mise en place dès maintenant avec un objectif opérationnel à moyen ou long terme,
- En 3. : ces idées ne demandent pas beaucoup d’effort, dans la mesure où leur mise en place ne ralentit pas les idées en 1 ou 2, pourquoi s’en priver ? Traduction : ce sont les projets sur lesquels travailler lorsque vous avez des « trous » dans votre planning.
Et enfin dernière case que je n’ai même pas pris la peine de numéroter : des idées qui demandent beaucoup d’effort et qui n’ont que peu d’impact positif, à moins d’une réelle volonté et motivation au sein de l’entreprise, elles sont à écarter de votre plan d’action !
#4 Après le marathon, le bilan
Quelques retours des collaborateurs GRUAU sur ces deux journées de créativité :
« On a créé un lien avec notre client, on parle vrai. Au minimum ça a servi à ça, créer une relation privilégiée pendant 2 jours avec le client. »
« L’objectif est atteint, on a réussi à sortir quelques idées dont une à court terme et réaliste qui répond à l’usage, ainsi que quelques pistes moyen-long termes qui confortent nos actions en cours. »
« Nous avons pu évoquer nos idées avec les usagers. »
Et de son client :
« C’est un projet que l’on a depuis 8 ans dans les placards, on ne s’attendait plus à la solution miracle, on n’avait aucune pression. Malgré ça, on a trouvé une solution, au-delà de ce qu’on attendait. »
Et vous, avez-vous déjà vécu ce genre d’expériences ? Comment ça s’est passé ?
Et surtout … quelles idées avez-vous eues grâce aux cartes de l’IdeaMaker ? :)
…
J’ai animé plus d’une centaine de séances de créativité depuis ma formation en 2015, et ce pour des problématiques diverses et variées, que ce soit de la résolution de problèmes (pour notre intervention sur-mesure avec GRUAU ou pour les séances du www.programmeapollo.fr par exemple), des séances à visée prospective (dans le cadre du www.challenge-competences.fr notamment) ou des ateliers « naming » (que l’on propose aux entreprises incubées à Laval Mayenne Technopole pour les aider à définir leur nom d’entreprise, leur noms de marque ou de produits, …).
Pour en savoir +, n’hésitez pas à me contacter, je serai ravie de répondre à vos questions !
.
Cet article vous a plu ? N’hésitez pas à me suivre pour être notifié·e de mon prochain article.
Et si vous le partagiez à un·e ami·e curieux·se ? :)